L’Algérie a été désignée récemment par un groupe d’experts étrangers comme l’une des meilleures destinations potentielles au monde pour les randonneurs. Notons-le bien, il s’agit d’une destination potentielle et non d’une contrée où les amateurs du dépaysement et de l’aventure peuvent se rendre dès la semaine prochaine.
« Il y a des millions de personnes curieuses et aventureuses qui sont prêtes à venir aujourd’hui. Mais transformer ces touristes potentiels en vrais touristes demandera du travail. » Le constat fait il y a quelques années par un agent de voyage britannique à Oxford Business Group est, hélas, toujours d’actualité. L’Algérie, plus vaste pays d’Afrique et de la région Mena, s’étendant de la Méditerranée jusqu’au Sahel sur près de 2.4 millions de kilomètres carrés, dispose d’atouts touristiques inégalables : des vestiges de sa riche histoire, un littoral ensoleillé, des massifs montagneux et forestiers, des oasis, des étendues de dunes…
Ce n’est pas la première fois que le potentiel touristique du pays est mis en évidence, mais le tourisme tarde à réellement démarrer, voire à exister, bien que le discours officiel fait du développement de la filière un segment prioritaire des stratégies moult fois annoncées pour mettre fin à la dépendance de l’économie algérienne aux hydrocarbures. Il semble que seuls les atouts naturels de l’Algérie sont pris en compte par ceux qui ont en fait une destination idéale pour la randonnée et par tous ceux qui la désignent comme une destination touristique de choix.
Outre les infrastructures hôtelières, qui sont hors de prix -quand elles existent-, le secteur du tourisme est surtout tétanisé par une kyrielle d’obstacles qui ne demandent pourtant qu’une décision politique pour être levés, sans le moindre effort ou investissement. On pense notamment à la difficulté pour les touristes étrangers d’obtenir le visa d’entrée en Algérie, le manque d’offres charters sur les vols à destination de l’Algérie, l’absence de bureaux de change…
La question des visas continue à être gérée de la manière la plus bureaucratique qui soit par les représentations consulaires algériennes, faisant du tourisme une victime collatérale de la fermeture politique du pays. Lors de la récente visite à Alger la semaine passée du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Dréan, les autorités algériennes lui avaient réclamé plus de souplesse dans l’octroi de visas aux Algériens, mais il se trouve aussi que les étrangers n’apprécient que peu les difficultés que rencontrent leurs ressortissants pour se rendre en Algérie.
Réciprocité
« Pour nos ressortissants, le visa reste une difficulté. Il y a moins de visas de circulation qui sont délivrés. La question de la mobilité dans la Méditerranée, ce n’est pas seulement l’affaire des Algériens vers la France. C’est l’affaire aussi des Français vers l’Algérie. J’ai lu un article qui indique que l’Algérie sera l’une des dix premières destinations des touristes français pendant l’année 2020. Il va falloir accompagner cela », déclarait le consul général de France à Alger, Marc Sédille, quelques jours avant la visite de M. Le Dréan.
L’Algérie gagnerait à revoir les champs d’application du principe dogmatique de la réciprocité qui fonde sa politique étrangère, au risque de laisser pour plus longtemps encore en jachère un secteur au fort potentiel de développement.
Dans son rapport de l’année 2016, Oxfod Business Group avait déjà désigné la restriction sur les visas comme le principal obstacle devant l’essor de l’activité touristique.
« Le régime de visas strict de l’Algérie est depuis longtemps un obstacle. Presque tous les étrangers sont obligés de demander un visa à l’avance et de fournir des pièces justificatives, telles qu’une invitation officielle d’une entreprise locale pour les voyageurs d’affaires. Cela peut s’avérer un processus onéreux et est l’une des principales raisons du faible classement de l’Algérie sur l’indice de compétitivité touristique », écrivait la thinkt-ank londonien.
Ramtane Lamamra, alors ministre des Affaires étrangères, avait promis de réviser les procédures d’octroi de visas afin de réduire la charge imposée aux visiteurs potentiels.
Cinq ans après, on entend les mêmes plaintes. Dans les consulats algériens à l’étranger, y compris dans les pays riches recelant de forts potentiels de touristes et de communautés de voyage d’aventures, on continue à délivrer les visas au compte-gouttes, à exiger des invitations ou attestations d’accueil, à « séquestrer » les passeports pendant plusieurs jours, à facturer très cher l’étude du dossier.
Soit tout le contraire de ce que font les voisins immédiats de l’Algérie, au potentiel bien moins important mais qui se sont imposées comme des destinations touristiques mondiales pour avoir beaucoup investi dans le secteur et surtout pour avoir compris que l’équation de la mobilité ne peut pas être abordée avec l’approche trop facile de la réciprocité.