Mustapha Zebdi, le président de la plus importante association de protection des consommateurs en Algérie sonne l’alerte. L’objet ? La présence de résidus d’antibiotiques dans la viande et les aliments d’origine animale.
“C’est dangereux et on ne peut pas ignorer cela”, a-t-il écrit sur Facebook.
Cet infatigable défenseur du droit des consommateurs dénonce la présence de “médicaments vétérinaires et produits chimiques sur les marchés hebdomadaires non surveillés, utilisés de façon non professionnelle.” Il en appelle au ministère de la Santé et à l’Agence nationale de sécurité alimentaire.
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Ce n’est pas la première fois que le débat sur l’utilisation des antibiotiques en élevage est posé. Déjà en avril 2021, l’Observatoire des filières agricoles algériennes (OFAAL) avait dénoncé les risques d’utilisation abusive d’antibiotiques par certains éleveurs de poulets.
Des poulets à croissance rapide
Les éleveurs utilisent des souches qui permettent de passer, en quelques semaines, d’un poussin à un poulet adulte. Enfermés à plusieurs milliers d’individus dans des poulaillers industriels, l’objectif est d’élever le maximum de bandes de poulets dans le laps de temps le plus court.
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Ces souches de poulets à croissance rapide sont extrêmement fragiles et sensibles aux maladies. L’hygiène des locaux est donc primordiale. Dans les élevages modernes, l’éleveur passe par un sas de désinfection et trempe ses bottes dans un pédiluve avant d’entrer dans les bâtiments d’élevage. Entre deux lots de volailles, les locaux sont décontaminés durant un vide sanitaire de 2 à 4 semaines.
Des élevages dans des garages et des serres
Dans nos campagnes, aux côtés de grands élevages modernes existe une multitude d’élevages modestes de 3 000 poulets. Quand on est sans emploi, il est aisé de créer un élevage.
Une ancienne étable, un simple garage ou des serres suffisent pour entasser des poussins. Des élevages le plus souvent informels qui font la fortune des vendeurs de poussins et d’aliments du bétail.
Comment dans une serre, arriver sur terre battue à une désinfection du sol contre les bactéries et parasites telles les terribles coccidioses de l’intestin ? Comment installer une ventilation, assurer une isolation et contrôler le degré d’hygrométrie ?
Des antibiotiques pour faire grossir les poulets
Dans de telles situations, profitant de l’humidité et de la chaleur, les germes prolifèrent et les animaux ne prennent pas de poids, mais continuent à engloutir un aliment cher. Pour l’éleveur, la solution de facilité est de faire appel à un vétérinaire qui prescrira des antibiotiques. À moins de faire de l’automédication.
Étudiant les pratiques dans les élevages de la région de Médéa en 2017, deux spécialistes, Aouchiche Sarah, et Boukhersoum Ghania ont remarqué que “60% des praticiens utilisent les antibiotiques en période de démarrage de 1 à 3 jours pour prévenir les maladies susceptibles de se produire.”
Elles ajoutent que les antibiotiques sont “souvent utilisés pour masquer les défectuosités dans les conduites des élevages.”
Biosécurité et décontamination des poulaillers
Dès 2003, co-auteur d’une étude réalisée dans l’Est Algérien, le vétérinaire Aloui Nadir alertait sur le fait que sur 40 poulaillers analysés, 75% avaient un statut hygiénique inférieur aux normes communément admises.
Il retrouvait des élevages ne respectant pas le vide sanitaire, la pratique de l’automédication, une désinfection mal faite, la présence de vecteurs de contamination et des cadavres d’animaux sur site.
Pour ce spécialiste reconnu, la biosécurité dépend essentiellement de la décontamination des poulaillers : évacuer les litières, laver le sol bétonné et les murs au jet, puis de nettoyer et désinfecter mangeoires et abreuvoirs.
Une décontamination qui doit se faire durant le vide sanitaire entre deux lots. Mais pour maximiser leur profit, certains agriculteurs raccourcissent cette période pendant laquelle les locaux doivent rester vides. C’est oublier qu’une décontamination mal faite entraîne la transmission des bactéries aux bandes de volailles suivantes.
Des élevages bio sans antibiotiques
Comment se passer d’antibiotiques ? À l’étranger, certains agriculteurs y arrivent. Partant du fait que c’est la promiscuité et le manque d’hygiène qui provoquent des infections à répétitions, ils s’astreignent à un cahier des charges exigeant : réduction de la densité de 25 à 30% des poules, litière de bonne qualité, épaisse, sèche et non poussiéreuse.
Ils visent avant tout, le confort des animaux. Un confort qui passe par la maîtrise de la température des locaux, l’hygrométrie et l’aération afin d’éviter l’accumulation des odeurs d’ammoniac. Mais avant tout, l’hygiène est une priorité absolue.
En Algérie, les élevages conventionnels peuvent réduire l’utilisation d’antibiotiques. Encore faut-il former les éleveurs. Un rôle que la filière et notamment les propriétaires de couvoirs et les fabricants d’aliments pourraient assumer.