Le 20 mars dernier, vous aviez annoncé le lancement par des start-up algériennes d’une application dédiée au coronavirus. Où en est l’application trois semaines après son lancement ?
L’application, développée par des bénévoles, a été mise à la disposition du ministère de la Santé et sa direction informatique. Elle est reliée à une autre application qui permet de faire remonter les informations aux directions de santé de chaque wilaya. Il faut noter que le ministère de la Santé a été doté d’autres applications depuis, et qui représentent des outils d’aide à la décision. Nous avons assisté à une forte mobilisation des start-up et de jeunes algériens très talentueux depuis le début de l’épidémie en Algérie pour concevoir des solutions informatiques.
On imagine que d’autres projets en lien avec la situation sanitaire ont vu le jour…
Effectivement, différentes initiatives ont vu le jour, portées par des start-up algériennes extrêmement engagées. Nous faisons en sorte que ces initiatives soient exploitées par les départements ministériels concernés. Nous avons aussi créé une cellule de crise au niveau du ministère où nous coordonnons les actions de toutes ces start-up. Nous essayons, comme tous les autres ministères, d’apporter notre pierre à l’édifice et d’aider le ministère de la Santé dans sa lourde tâche de combattre le coronavirus.
En dehors de la crise sanitaire, j’ai personnellement défendu le principe de l’« open innovation ». Je crois que cette épidémie nous a appris que l’administration algérienne doit faire confiance aux jeunes talents pour se digitaliser, et que nous devons compter sur les jeunes pour apporter de l’innovation dans les différents secteurs.
On voit un peu partout dans le monde des start-up prêter main forte au corps médical par leurs innovations. Les start-up algériennes sont-elles en retrait ou c’est juste un défaut de médiatisation ?
L’implication des start-up algériennes dans la lutte contre le coronavirus est telle que même la presse internationale s’y est intéressée. Nous avons probablement la plus forte mobilisation de la région, et les initiatives sont nombreuses. Je pourrais vous en citer quelques-unes mais la liste est longue.
La start-up E-tabib a lancé une plateforme de télémédecine gratuitement durant l’épidémie, cette solution hébergée en Algérie est tout à fait conforme avec la réglementation algérienne et des milliers d’Algériens ont déjà effectué des consultations médicales dessus. Les VTC algériens (Yassir, TemTem et Wassalni) ont eux aussi grandement contribué à aider les autorités et ce en prenant en charge le transport du personnel médical gratuitement. La start-up iMadrassa a mis à disposition sa plateforme de soutien scolaire gratuitement pour les élèves en cette période de confinement. À Blida, une start-up a lancé l’application « 3awen » pour aider les autorités locales à distribuer les dons.
Par ailleurs, trois start-up ont pour l’heure conçu des prototypes d’appareil de respiration artificielle actuellement en cours d’homologation. La liste est longue, et ce que je peux vous dire c’est que cette pandémie nous a prouvé à tous que l’ingéniosité et le dévouement des jeunes algériens n’a pas de limites.
En quoi, selon vous, les start-up peuvent se rendre utiles dans cette conjoncture précise ? Sur quels segments peuvent-elles intervenir ?
Elles peuvent d’un côté faciliter la vie du citoyen en période de confinement et ce en proposant des services de livraison, e-commerce, et e-learning. Elles peuvent aussi participer aux efforts de solidarité nationale en proposant des solutions pour faciliter la distribution d’aides, et enfin, elles peuvent soutenir les structures de santé en concevant des solutions innovantes. On a vu par exemple les jeunes ingénieurs de Chlef qui ont conçu un appareil de désinfection, un jeune à Batna qui a conçu une solution qui utilise l’intelligence artificielle pour diagnostiquer le coronavirus avec des images de scanner, etc. Nous les invitons tous à se rapprocher de notre ministère pour les aider à déployer leurs solutions.
Ne faut-il pas les encourager à s’orienter momentanément vers la recherche de solutions aux problèmes pratiques posés par la crise sanitaire qui pourrait s’avérer in fine une aubaine pour certaines d’entre elles ?
Effectivement, depuis le début de l’épidémie beaucoup de start-up ont adapté leurs business-models ou se sont lancées dans de toutes nouvelles activités. L’épidémie a profité à certains secteurs comme le e-commerce mais a aussi nui à d’autres. Je pense que le plus important c’est que chacun participe à sa manière dans la lutte contre la pandémie car au final elle ne menace pas seulement la vie des gens, mais aussi celle des entreprises.
Avec le confinement, l’Algérie regrette beaucoup de ne pas avoir développé le commerce électronique et le paiement en ligne et les autorités promettent d’y remédier. N’est-ce pas une chance qui s’offre aux start-up ?
Le sujet du paiement électronique a été durant des années marginalisé en Algérie et nous accusons un grand retard dans ce secteur. Cela dit, tous les départements ministériels concernés veillent à rattraper ce retard très rapidement, et je suis personnellement convaincu que cette année sera l’année du e-commerce et du paiement électronique en Algérie. Son adoption se fera très rapidement par la population et ce pour différentes raisons : l’épidémie de coronavirus qui pousse tout le monde à rester à la maison, le taux de pénétration des smartphones qui est encore plus élevé que dans beaucoup de pays européens, la population algérienne, très jeune et avide de nouvelles technologies, enfin, la présence d’acteurs algériens du e-commerce qui ont atteint un certain degré de maturité et qui offrent une excellente qualité de service.
En Algérie, les seules start-up qui ont réussi, du moins les plus connues, activent dans les services de transport de personnes (applications de taxis). Y a-t-il d’autres success-stories que le grand public n’a pas encore découvertes ?
Nous avons des success stories dans plusieurs secteurs. Des start-up telles que Legal doctrine première legal tech africaine, Emploitic qui s’est lui aussi développé en Afrique, dans le secteur du e-learning i-Madrassa qui propose du soutien scolaire pour des centaines de milliers d’élèves, et Quizzito qui propose des jeux éducatifs dans 7 pays de la région MENA.
Dans l’intelligence artificielle, la start-up Big Mama développe des solutions pour les plus grands groupes en Algérie et en France. La start-up a notamment gagné un concours face à des ingénieurs de Harvard. Dans les Fintech, la start-up AEBS collabore avec plus de 200 banques partout dans le monde, et dans les services IT Altius Mena exporte ses services en France et dans la région MENA, une autre start-up que tous les Algériens connaissent est Ouedkniss qui s’est aussi lancé dans le e-commerce, etc.
La liste est longue et je m’excuse par avance pour toutes celles que je n’ai pas citées, et ce n’est qu’un petit aperçu de ce que les start-up algériennes réussissent à faire, ces gens-là travaillent en silence et n’occupent pas les plateaux télé. Certaines pourraient devenir de véritables champions africains ou même mondiaux si l’écosystème leur est favorable, et cela est notre mission.
Dans votre entretien à TSA, en février dernier, vous aviez annoncé le lancement de nombreux chantiers ? Où en est leur avancement aujourd’hui ? Ne sont-ils pas contrariés par la crise sanitaire et le confinement ?
L’épidémie a ralenti tout le monde et le ministère délégué chargé des Start-up ne fait pas exception, mais nous restons sereins et nous continuons à avancer malgré les difficultés. Nous avons une grande responsabilité sur nos épaules et nous ferons en sorte que tous nos projets soient concrétisés, et je peux vous dire que malgré la crise sanitaire il n’y a pas un jour qui passe sans que nous avancions dans la liste des objectifs que nous nous sommes fixés.