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Zimbabwe : Mugabe face à une procédure de destitution

Une procédure de destitution doit être engagée mardi à l’encontre du président Robert Mugabe qui refuse de quitter le pouvoir mais qui, selon l’armée, est en contact avec son vice-président déchu, Emmerson Mnangagwa, dont le retour est attendu “prochainement”.

M. Mnangagwa, 75 ans, a été évincé du gouvernement le 6 novembre et poussé à l’exil après un bras de fer avec la première dame, Grace Mugabe, 52 ans, qui avait réussi à écarter son rival dans la course à la succession de son mari, au pouvoir depuis 1980. L’armée, hostile à l’ascension de Grace Mugabe, a alors décidé d’intervenir et a pris le contrôle du pays.

Depuis ce coup de force, Robert Mugabe, plus vieux chef d’Etat en exercice de la planète, âgé de 93 ans, a perdu un à un ses soutiens, y compris celui de son parti, la Zanu-PF, qui doit entamer mardi une procédure de destitution. Elle espère lui donner le coup de grâce, ce que ni l’armée ni la population descendue en masse dans la rue n’ont encore réussi à faire.

“Trop, c’est trop. Mugabe doit partir”, a déclaré lundi à l’AFP un parlementaire de la Zanu-PF, Pesai Munanzvi. “Nous voulons nous débarrasser de cet animal”, a renchéri son collègue, Vongai Mupereri.

“Nous allons le destituer – cet homme doit partir”, a insisté un autre député, MacKenzie Ncube, à l’issue d’une réunion de députés qui encore récemment soutenaient mordicus Robert Mugabe.

Devant la tour du siège de la Zanu-PF, une immense affiche représentant le “camarade Bob” a été vandalisée. Tout un symbole.

La Zanu-PF a mis ses menaces à exécution après le bras d’honneur que lui a adressé le président: il a magistralement ignoré l’ultimatum qu’elle avait fixé à lundi midi pour sa démission.

Selon la Constitution zimbabwéenne, l’Assemblée nationale et le Sénat peuvent engager à la majorité simple une procédure de révocation du président. Une commission d’enquête est alors formée pour formuler une résolution de destitution, qui doit ensuite être approuvée à la majorité des deux tiers.

La Zanu-PF veut accuser Robert Mugabe “d’avoir autorisé sa femme à usurper des pouvoirs” et de “ne plus être en capacité physique d’assurer son rôle compte tenu de son grand âge”, a précisé le député Paul Mangwana.

– Jouer la montre –

Alors que les négociations semblaient au point mort, le général Constantino Chiwenga, qui a mené le coup de force militaire dans la nuit du 14 au 15 novembre, a annoncé lundi soir des “contacts entre le président et l’ancien vice-président”. Des “développements encourageants”, selon lui.

Dans le cadre d’entretiens entre l’armée et le président, “plusieurs garanties ont été données” et le président Mugabe “a accepté une feuille de route” pour une sortie de crise, a assuré le général Chiwenga sans donner plus de précisions.

Emmerson Mnangagwa, parti en exil dans la foulée de son éviction, est “attendu prochainement dans le pays”, a-t-il assuré.

En 37 ans au pouvoir, le très fin tacticien qu’est Robert Mugabe n’a jamais été aussi affaibli politiquement, mais il refuse toujours de céder le pouvoir.

Selon plusieurs analystes, le vieux dirigeant, accusé de violations des droits de l’Homme et de corruption, joue la montre afin d’obtenir des garanties sur son immunité.

Très influents, les anciens combattants de la guerre d’indépendance lui ont à nouveau ordonné lundi de partir.

“Epargne d’autres troubles au pays. Sinon, nous allons ramener le peuple du Zimbabwe dans les rues”, lui a lancé leur chef, Chris Mutsvangwa, qui a confirmé une nouvelle manifestation mercredi.

“Il a perdu la boule”, a-t-il ajouté.

– ‘Adieu grand-père’ –

Mais “plus le temps passe et plus les risques de violences sont élevés”, relève Chris Vandome, un analyste du think-tank Chatham House.

La Grande-Bretagne, ancienne puissance coloniale, a appelé “tout le monde à éviter la violence”.

“Ce qui semble clair, c’est que Mugabe a perdu le soutien de la population et de son parti”, a souligné la Première ministre britannique Theresa May.

Le général Constantino Chiwenga a appelé la population au “calme” et à la “patience”, avant les nouvelles manifestations anti-Mugabe attendues mercredi dans la capitale.

Sous l’oeil bienveillant de l’armée, plusieurs dizaines de milliers de personnes avaient déjà envahi samedi les rues d’Harare et de Bulawayo, deuxième ville du Zimbabwe, dans le sud-ouest, aux cris de “Bye bye Robert” ou “Adieu grand-père”.

Des centaines d’étudiants ont également manifesté lundi sur le campus de l’université d’Harare pour exiger le départ du chef de l’Etat. “Nous sommes en colère et déçus par le discours de Mugabe”, a déclaré un de leurs meneurs, Shepherd Raradza.

Dans la soirée, l’université a annoncé qu’elle fermerait dès mardi pour les vacances de fin d’année et que les examens auraient finalement lieu en janvier.

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