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Zineb Sedira, « l’artiste de la mémoire algérienne »

Zineb Sedira, « l’artiste de la mémoire algérienne »

C’est la mémoire et l’histoire qui font battre le cœur de la talentueuse artiste et photographe Zineb Sedira. Née en France de parents algériens, Zineb Sedira, qui vit désormais à Londres, est multiple par sa culture et son art.

Elle a convaincu le monde de l’art et la photographie parce qu’elle assume entièrement cette diversité. Elle est l’une des artistes algériennes les plus exposées dans le monde. Ses photographies se vendent à des dizaines de milliers d’euros et elle a trouvé sa place dans les plus grandes maisons d’enchères du monde.

C’est cette même complexité culturelle qui a permis à Zineb Sedira d’être la première artiste algérienne à représenter la France à la 59e Biennale d’art de Venise. Ce rendez-vous d’art est l’un des plus importants au monde, programmé initialement pour la fin 2021, il a été décalé à l’année prochaine.

Se raconter, pour mieux raconter l’Histoire

Son travail porte essentiellement sur les questions d’identité, de transmission et de colonialisme. Zineb Sedira est très attachée à son héritage familial. L’artiste a grandi en France dans les années 60, baignant dans une culture algérienne à la maison, tout en cherchant sa place dans la société française.

Si elle connaît par cœur l’histoire de ses parents, des combattants de la Guerre d’Indépendance, elle ne s’y penchera qu’au moment de ses études d’art en Angleterre. Ce sera le début de son introspection et de la construction de son identité artistique.

La migration et le transfert culturel transgénérationnel sont au cœur de ses interrogations. Que reste-t-il de la culture que l’on a laissée au pays, comment se lie-t-on entre les générations lorsque chacune est née et a grandi dans une culture différente ?

Parmi ses travaux les plus connus : l’installation « Mother Tongue » (langue maternelle) exposée à Londres dans le célèbre musée Tate Modern, met en scène Zineb, sa mère et sa fille, se partageant toutes les trois, à tour de rôle, des souvenirs dans leur langue maternelle. La grand-mère les évoque en darija algérienne, Zineb en français, la fille de Zineb en anglais. Comment peut-on créer un lien fort avec un membre de famille lorsqu’on ne partage pas la même langue ?

Zineb Sedira a également été l’une des premières femmes artistes françaises d’origine algérienne à transmettre des témoignages intimes de la guerre d’Algérie. Elle a filmé le témoignage de sa mère sur ses souvenirs de cette période. En sondant sa propre famille, elle a participé à reconstituer des pans entiers de cette période, de l’intime elle dresse le portrait de la grande Histoire.

L’Histoire contemporaine du pays de ses parents est également une inspiration pour Zineb Sedira.  Le journal Le Monde la surnommait en 2018, « l’artiste de la mémoire algérienne ». Elle a notamment dédié une installation aux journalistes et caricaturistes victimes d’actes terroristes durant la décennie noire en Algérie.

Un travail sur l’humanité

Son regard d’artiste a laissé son empreinte dans le monde de l’art. Ses travaux recèlent un sujet commun à l’humanité, l’identité personnelle, l’identité culturelle et le devoir de mémoire.

Zineb Sedira a exposé dans le monde entier. Londres, Paris, Marseille, au Maghreb, en Afrique du Sud, au Qatar, à Dubaï mais aussi en Amérique du Nord avec les Etats-Unis et le Canada, etc. La vision de Zineb Sedira y est exposée et décortiquée.

Actuellement, elle expose sa série de photographies intitulées « Sugar Routes », à la Biennale d’art de Liverpool en Angleterre. Cette exposition illustre l’extraction de sucre dans le monde qui est traitée dans une usine à Marseille et symbolise les séquelles laissées par le monde colonial.

Alger et l’Algérie ont également été durant longtemps ses terrains de jeu. L’artiste a produit une quinzaine d’installations imprégnées de l’Algérie et de son histoire. Le pays n’a pas seulement été objet d’art pour elle mais il est aussi un laboratoire. Zineb Sedira y a fondé ARIA (Artist Residency in Algiers) et soutient l’art contemporain en Algérie. Elle s’est également intéressée aux archives algériennes inexploitées qui se cachent au cœur de la Cinémathèque d’Alger.

Oser, s’engager, parfois à un certain prix

Alors que Zineb se consacre à comprendre l’autre dans son travail et faire revivre une mémoire personnelle, elle se retrouve à maintes reprises propulsée au cœur de polémiques qui la dépassent.

A l’annonce de sa nomination pour représenter la France à la Biennale de Venise, les boucliers se lèvent chez les Israéliens qui appellent à annuler sa participation. Ils lui reprochent d’avoir boycotté une exposition en Israël et de soutenir le mouvement palestinien du BDS (Boycott, désinvestissement et sanctions).

En 2010, son installation « Retelling histories : My Mother told me », qui met en scène sa mère lui livrant ses souvenirs de guerre d’Algérie, crée beaucoup de colère chez les associations de harkis, qui parviennent à faire annuler son exposition.

Zineb Sedira séduit autant qu’elle dérange. Encore là, elle prouve qu’elle est une artiste entière, qui ne recule pas devant l’adversité et n’opte pas pour la complaisance. Elle ne revendique aucun rôle politique mais seulement le droit de pouvoir transmettre son histoire et la mémoire des autres.

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