Politique

Zoubida Assoul répond au sénateur Benzaim : « Avons-nous volé ? »

Le sénateur Abdelouahab Benzaim a jeté un véritable pavé dans la mare de la politique algérienne, en révélant comment les membres de l’ex-Conseil national de transition se sont assuré un salaire à vie.

Le parlementaire a dit que les 192 membres qui avaient siégé dans ce parlement désigné pour exercer la fonction législative de 1994 jusqu’aux législatives de mai 1997, ont voté une loi leur permettant de bénéficier d’une retraite dorée, qu’il a estimée aujourd’hui à 400.000 dinars par mois. Parmi les ex-membres du CNT, Benzaim a cité l’avocate Zoubida Assoul, Abdelkader Bengrina, Djamel Ould Abbès…

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Ces déclarations ont suscité l’indignation sur les réseaux sociaux et provoqué un débat sur le statut des parlementaires algériens, alors que le pays s’apprête à organiser dans trois mois des législatives anticipées.

« La retraite des membres du CNT tourne autour de 230 000-240 000 DA »

En réponse, l’avocate et présidente de l’UCP, Me Zoubida Assoul citée nommément par le parlementaire, affirme que ce que Benzaim a dit sur leur retraite est « archifaux. »

« Dire que les parlementaires du CNT touchent 400 000 DA/mois, c’est archifaux », objecte-t-elle, dans une déclaration à TSA, ce mardi 2 mars. « La retraite des membres du CNT tourne autour de 230 000-240 000 DA (entre 23 et 24 millions de centimes, ndlr), aucun membre ne dépasse 260 000 DA (26 millions de centimes). Le montant de 400 000 DA est un gros mensonge », affirme-t-elle.

« La retraite a commencé à prendre effet à partir de la fin du mandat (de l’ex-CNT), à partir de 1998 à 42 000 DA », précise Me Assoul, ajoutant que durant leur mandat qui aura duré un peu plus de 3 années, les membres du CNT touchaient un salaire mensuel de 50 000 DA.

Une rémunération qui se justifiait par le « statut particulier » des parlementaires en raison de la nature de leur travail et du contexte politique de l’époque marqué par le terrorisme.

« En 1994, on touchait autour de 50 000 DA/mois. Depuis que l’Assemblée existe, le parlementaire a un statut particulier qui n’est pas comme le reste des fonctionnaires de la fonction publique. Le travail parlementaire est particulier. On travaillait jusqu’à 5h du matin, ce qui fait qu’on ne travaillait pas avec des horaires comme les autres. Je peux vous dire par exemple qu’il m’est arrivé d’enchaîner des semaines successives de nuits blanches pour élaborer les textes de loi. Et essayer de légiférer dans l’intérêt du pays », se défend l’avocate.

« Il nous est arrivé à nous les parlementaires (de l’ex-CNT) de travailler jusqu’à l’aube. Et dans quelles conditions ? A l’époque où le pays était à feu et à sang. Pour sortir du siège de l’Assemblée et aller à l’Aletti (actuel hôtel Safir, à quelques mètres du siège de l’APN, ndlr), pour nous restaurer on se faisait accompagner par des policiers car les attentats et les assassinats étaient notre quotidien », ajoute-t-elle.

Interrogée si les députés qui sortent avec une retraite de 260 000 DA ne posaient pas problème d’un point de vue éthique, quand on connait les maigres pensions de la majorité des Algériens, Mme Assoul est formelle : « Les retraites sont régies par la loi. Ce n’est pas le CNT ou Mme Assoul, de X ou Y qui ont décidé de quoi que ce soit ».

L’avocate et ancienne magistrate dénonce les « personnes de mauvaise foi ». « Quand quelqu’un a les cotisations que la loi exige et qu’il bénéficie d’une retraite dans le cadre de la loi, on ne va quand même pas la lui enlever ? », s’élève-t-elle.

« C’est scandaleux de poser le problème de cette façon », enchaîne Me Assoul. « Avons-nous volé ? Quand on est sorti (du CNT) en 1997-1998 on avait une retraite de 42 000 DA. Quand les députés ont été augmentés, nous avons bénéficié de l’augmentation sur la base de notre salaire (retraite) de base de 42 000 DA. Cette retraite a été ensuite actualisée en fonction de la valeur du dinar, du pouvoir d’achat et des salaires de base des députés en fonction. Il n’y a rien d’illégal dans tout ça », explique l’ex-membre du CNT.

« Mettons-nous bien d’accord que cela n’a pas concerné uniquement les membres du CNT, mais aussi tous les députés de toutes les législatures parmi ceux qui remplissent les critères de la retraite », ajoute Zoubida Assoul.

Une volonté de « dévier le débat national des véritables questions » 

Suite aux déclarations du sénateur Benzaim, Zoubida Assoul entend porter l’affaire devant les tribunaux. « Je le défie (Mme Assoul fait allusion au sénateur Benzaim, ndlr) de démontrer par des documents officiels que les membres du CNT touchent 400 000 DA par mois en 2021, moi j’ai des documents qui prouvent le contraire de ce qu’il dit. Donc, je lui donne rendez-vous devant la justice », lance-t-elle.

L’avocate et présidente de l’Union pour le changement et le progrès (UCP) annonce également que l’association des membres du CNT a tous les documents et va déposer plainte contre le sénateur Benzaim.

L’ancienne magistrate, aujourd’hui avocate très active dans la défense des détenus du Hirak, estime que derrière cette polémique et les accusations du sénateur Benzaim, plane une volonté de « dévier le débat national des véritables questions dont celle liée au changement de ce système ».

Elle accuse le sénateur de vouloir surfer sur cette polémique en prévision des prochaines échéances électorales. Et de déplorer que le débat politique en soit descendu « aussi bas ».

« C’est dommage, la politique ce n’est pas ça. Si quelqu’un débat d’une manière contradictoire et politique des propositions de Mme Assoul (pour la sortie de la crise politique) il n’y a pour moi aucun problème. Je suis prête à débattre avec qui que ce soit. Mais mener l’opinion publique dans un débat stérile, cela nous ridiculise devant le monde entier et donne une piètre image de la classe politique algérienne ».

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